Intervention de Elie Califer

Séance en hémicycle du jeudi 19 janvier 2023 à 15h00
Faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElie Califer :

La proposition de loi que nous examinons s'inscrit dans le contexte de la transition énergétique, de l'accélération et de la massification attendues de la rénovation du parc de logements.

Le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux de neutralité carbone dès 2050, soit une division par six au moins des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

Pour cela, un des leviers est l'accélération des rénovations énergétiques de logements. Dans ce cadre, les sociétés de tiers-financement (STF) ont un rôle à jouer. Les STF ont été créées par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi Alur) et par la loi de transition énergétique du 17 août 2015.

L'objectif de ces établissements régionaux est de lever les freins à la réalisation des travaux de rénovation énergétique, souvent perçus comme chronophages et compliqués, et d'aider les ménages à les financer. Les STF sont censées proposer une offre de rénovation énergétique complète, intégrant à la fois le financement et le suivi après travaux. En effet, agréées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, elles sont autorisées à avoir une activité de prêt. Ainsi, les sept STF qui existent en France proposent une offre de services globale, a priori adaptée aux spécificités locales.

L'article L. 381-1 du code de la construction et de l'habitation précise que « le tiers-financement est caractérisé par l'intégration d'une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques […] ». Or, aujourd'hui, le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés passés par l'État et ses établissements publics, mais aussi les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. En effet, jusqu'à présent, le préfinancement était réservé aux marchés de partenariat, plus strictement encadrés en raison de leur caractère dérogatoire au droit commun des marchés publics.

La proposition de loi vise donc à autoriser, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, l'État et ses établissements publics, ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, à déroger aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique pour les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d'un marché global de performance pour la rénovation énergétique d'un ou de plusieurs de leurs bâtiments.

Je ferai trois observations : une sur la forme et deux sur le fond.

Tout d'abord, la proposition de loi est examinée dans le cadre d'une procédure accélérée. La pratique est devenue si courante que nous n'y prêtons plus réellement attention ; le respect de la Constitution voudrait pourtant que sauf motif légitime, ces textes fassent l'objet d'au moins deux lectures par assemblée parlementaire.

Venons-en au fond. En élargissant le recours au préfinancement pour la dépense publique, la proposition de loi comporte un risque élevé si les engagements pris ne sont pas suffisamment encadrés et sécurisés. En effet, si le principe de ces contrats est justement de protéger la personne publique des risques de dérives, notamment en termes de coûts, dans la réalisation de projets publics, ils peuvent être eux-mêmes porteurs de risques budgétaires. Le mécanisme prévu par le texte, qui passe par un ensemble d'engagements – certains fermes, d'autres conditionnels, certains explicites, d'autres moins –, pourrait comporter un risque lié au montage et, surtout, un risque plus systémique, lié au cumul de montages pesant sur les finances locales.

Heureusement, le texte, enrichi en commission, prévoit désormais que ces marchés devront indiquer la part du prix qui est consacrée au financement du projet, et les collectivités identifier le montant de dette à comptabiliser dans leurs comptes. Elles auront aussi l'obligation de traduire leurs engagements hors bilan dans une annexe.

Enfin, nous n'avons obtenu aucune réponse aux questions que nous avons posées il y a quelques jours, lors d'une séance de contrôle consacrée aux enjeux de la massification de la rénovation énergétique, et qui portaient sur les difficultés des Français face aux dispositifs de rénovation énergétique.

Forts de ces constats, deux options s'offrent à nous : soit, au vu de la procédure retenue et de l'absence d'engagement du Gouvernement sur le fond, nous abstenir ; soit, nonobstant ces deux réserves, voter pour le texte, à condition qu'il soit modifié et enrichi en séance.

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