Intervention de Agnès Carel

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Carel :

Cette proposition n'est pas nouvelle. Depuis deux décennies, la question du port de l'uniforme ou d'une tenue scolaire obligatoire à l'école et au collège resurgit chaque année, tant au Parlement que dans la sphère médiatique. La tenue uniforme n'a jamais été imposée en France, contrairement à ce qui a été dit. Seule la blouse fut obligatoire jusqu'en 1968, mais davantage pour préserver la propreté des vêtements que pour garantir une uniformité vestimentaire dans les classes. L'arrivée des pointes Bic l'a rendue inutile !

Ce n'est pas l'idée d'une tenue scolaire qui nous est proposée, mais l'obligation pour toutes les écoles et tous les collèges d'adopter du jour au lendemain une tenue par établissement. Or chaque directeur d'école ou de collège a déjà la possibilité de le faire. Certains responsables d'établissements, en concertation avec le corps enseignant, ont déjà pris cette décision, outre-mer ou en métropole.

Le groupe Horizons défend avant tout la liberté de choix des directeurs d'établissement, qui existe déjà mais qui n'est peut-être pas toujours bien connue. Des actions pour mettre en avant ces expériences et le ressenti des élèves, des parents et des enseignants concernés seraient à étudier. Nous ne sommes pas non plus opposés à des initiatives locales ou des expérimentations décidées en concertation avec les familles, les enseignants et les collectivités.

Nous ne contestons pas que l'adoption d'une tenue scolaire contribue à diminuer les distinctions sociales et culturelles, mais elle ne les enraye pas. Les téléphones portables, les montres ou les sacs sont des marqueurs sociaux au moins aussi forts, qui gommeraient les effets attendus de l'uniforme.

La tenue scolaire obligatoire n'effacera pas non plus les tenues dites religieuses. Elle ne fera qu'entraîner mécaniquement la création d'écoles hors contrat, et donc hors contrôle.

Et il y a aussi la question du coût : qui va payer ? En période d'inflation, les parents ne peuvent se voir infliger une telle dépense supplémentaire. Les collectivités non plus, dans un contexte de grande tension budgétaire. La prime de rentrée scolaire doit-elle uniquement servir cet objectif ?

Vous évoquez le rôle fédérateur de l'uniforme. Or le sentiment d'appartenance s'appuie sur les progrès pédagogiques. Un projet de solidarité peut fédérer une classe ou un établissement bien plus qu'un uniforme. Les professeurs doivent avoir le pouvoir d'être les vrais moteurs de la réussite scolaire, leurs initiatives doivent être mieux reconnues : voilà un réel enjeu de réforme.

Vous avez évoqué les intrusions dans les écoles, mais un uniforme, qui se vole ou s'emprunte facilement, ne résoudrait rien.

Enfin, l'objectif d'une proposition visant nos établissements scolaires ne peut être uniquement l'abolition des distinctions sociales et culturelles : cela doit rester l'amélioration du cadre d'apprentissage de tout élève.

Bref votre proposition de loi est prématurée et inaboutie. Elle ne résoudra en rien les problèmes de l'école républicaine et nécessiterait un débat à chaque niveau. Le groupe Horizons ne la votera pas.

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