Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ce travail parlementaire de qualité, qui répond à une urgence. Cela ne me surprend pas venant de vous, puisque votre précédente proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille a permis de poser les bases d'un dispositif qui fonctionne, organisé autour de l'ordonnance de protection, et qui ne demande qu'à être amélioré.

Les violences intrafamiliales sont un fait de société majeur : il ne se passe pas un jour sans qu'un drame ne survienne. On sait combien les enfants en sont victimes : en 2019, ils étaient 400 000 à vivre dans un environnement de violences conjugales, et 60 % d'entre eux présentent des troubles post-traumatiques. Ce sont là des familles détruites, des avenirs compromis.

Si les magistrats, avocats, greffiers, forces de l'ordre, médecins, associations et réseaux VIF (violences intrafamiliales) sont très engagés dans la lutte contre ce fléau, l'institution judiciaire est en souffrance : manquant de moyens matériels et humains, elle se trouve incapable de satisfaire dans des délais raisonnables les demandes légitimes des justiciables, tant en matière civile qu'en matière pénale.

L'exemple de l'Espagne nous pousse à aller plus loin en termes de budget alloué et d'organisation juridictionnelle. Les états généraux de la justice, dont le comité était présidé par M. Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d'État, ont insisté sur la nécessité d'une approche systémique. Il me semble que ce texte, qui met en place une juridiction spécialisée et dote les tribunaux ainsi créés d'effectifs et de matériels opérationnels, s'inscrit dans cette logique. Nous saurons enfin à quoi servent les crédits que nous votons.

Face à la situation que j'ai rappelée, nous convenons tous de la nécessité d'apporter une réponse civile et pénale rapide dans le cadre d'un pôle social et judiciaire devant rassembler l'ensemble des acteurs concernés. Les filières spécialisées qui existent déjà dans un certain nombre de tribunaux répondent à cette exigence de rassemblement en vue d'accompagner tant les victimes que les auteurs de violences.

La création d'une juridiction spécialisée a déjà été proposée par divers amendements discutés lors de l'examen de précédents textes. Nous avions nous-mêmes déposé un tel amendement dans le cadre de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) – c'était un amendement d'appel, car nous considérons évidemment que cette mesure relève du garde des sceaux et non du ministre de l'intérieur.

La présente proposition de loi suscite quelques interrogations. Ce nouveau tribunal, qui peut être aussi une filière spécialisée ou une formation de jugement, ne devrait-il pas être compétent pour toutes les violences sexuelles et sexistes, au lieu de se limiter aux violences intrafamiliales ? En matière civile, le juge connaîtra-t-il uniquement des demandes d'ordonnance de protection ou sera-t-il compétent pour se prononcer sur chacune des mesures de l'ordonnance ? Le juge doit-il être compétent en matière d'autorité parentale, y compris en dehors de l'existence d'une ordonnance de protection ? Par ailleurs, la proposition de loi ne précise pas comment le nouveau dispositif s'intègre en appel : pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Nous avons soulevé la question de la proximité, et vous nous avez répondu que les juridictions spécialisées seraient présentes dans tous les tribunaux judiciaires du ressort de la cour d'appel. Cela signifie que les victimes pourront trouver, à proximité de leur domicile, des juges susceptibles de donner des suites judiciaires aux violences conjugales qu'elles ont subies. Comme je l'ai dit, des filières organisées existent déjà dans certains tribunaux ; nous pourrions imaginer un dispositif renforcé dans ce domaine.

Nous sommes donc d'accord sur le principe. Nous avons quelques interrogations s'agissant du dispositif choisi, mais nous sommes tout à fait intéressés par un travail parlementaire qui nous permettrait de progresser sur cette question et de répondre à une attente sociétale. Nous défendrons plusieurs amendements.

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