Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

La proposition de loi du groupe LR n'a qu'une boussole : il ne s'agit pas de tenter de mieux protéger les habitants de ce pays, de mieux assurer leur sûreté en société et leur tranquillité publique, mais bien de créer un trait d'union entre délinquance et immigration. Les récentes récupérations politiciennes de drames humains ont d'ailleurs engendré colère et nausées chez les familles des victimes, mais aussi chez nos concitoyens.

Cette proposition s'inscrit dans la mouvance qui fait feu de tout bois pour s'aligner sur les propos les plus haineux et les plus simplistes, sur les plateaux de télévision et, désormais, ici. C'est vrai que les membres du Gouvernement – M. Darmanin en tête – ont ouvert la voie puisque ce dernier disait vouloir être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants. On peut difficilement faire plus simpliste… Pourtant, le lien entre immigration et délinquance n'a absolument aucune réalité statistique.

Le groupe LR joue à un jeu dangereux. Pendant que M. Darmanin prépare son projet de loi, le groupe prépare son congrès… Le premier se dit favorable à une forme de double peine, propose la suppression de la catégorie protégée des étrangers arrivés sur le sol national avant 13 ans. Le second, logiquement, instrumentalise les chiffres du ministère de la justice et cible précisément dans son exposé des motifs les étrangers venus d'Afrique, prétextant que les détenus et délinquants seraient en majorité issus de ce continent. Quelle sera la prochaine étape ? Des lois différentes pour ceux venus d'Afrique ? Ces chiffres, répétés à l'envi par les droites les plus à droite – on ne sait plus comment il faut les appeler –, sont issus du tableau 4 de la statistique trimestrielle des personnes écrouées en France publiée par le ministère de la justice. Ils ne précisent ni le statut administratif des étrangers, ni s'ils sont en détention provisoire, c'est-à-dire présumés innocents. Ces chiffres doivent en outre être analysés au regard des difficultés sociales importantes de certains territoires, ainsi que de la présence policière, qui y est variable – nous en avons débattu la semaine dernière dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Votre proposition de loi est clairement d'affichage et la rigueur n'est pas au rendez-vous, car notre arsenal législatif permet déjà beaucoup : les articles L. 631-1 et suivants du Ceseda autorisent déjà l'autorité administrative à expulser les délinquants étrangers. En outre, la proposition de loi est inutile, car faire partie d'une catégorie dite protégée ne protège pas totalement d'une expulsion qui, assez logiquement, reste possible si elle est proportionnée à la menace que la personne étrangère représente.

Votre seul objectif est bien de créer une suspicion généralisée à l'égard des étrangers. Si elle n'est pas jugulée, une telle escalade risque de générer un climat extrêmement grave de propagation de la haine et de la division. Il faut y mettre un terme. C'est pourquoi nous voterons contre ce texte.

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