Intervention de Dominique Faure

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 9h00
Expulsion des étrangers en cas de menace grave pour l'ordre public — Présentation

Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité :

En 2021, nous avons ainsi procédé à 11 630 éloignements, contre 10 785 pour l'Allemagne et 3 230 pour l'Espagne. Depuis le début de l'année 2022, les éloignements sont en hausse de 20 %.

Nous allons donner aux services de l'État les moyens d'être encore plus efficaces, afin d'accroître le nombre de reconduites. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) introduit ainsi des moyens inédits pour l'extension du nombre de places en CRA – centre de rétention administrative : la discussion parlementaire a permis de fixer un objectif de 3 000 places à l'horizon 2027. Le ministre de l'intérieur a également annoncé la création de nouveaux locaux de rétention administrative, qui permettront à nos policiers et à nos gendarmes de procéder plus facilement à des éloignements sur l'ensemble du territoire.

Messieurs les députés, votre proposition de loi prévoit d'assouplir les conditions d'expulsion des étrangers constituant une menace grave contre l'ordre public. Plus précisément, l'article unique du texte a pour objet de supprimer certaines protections existantes, qui empêchent dans certains cas bien définis l'expulsion d'un étranger. En l'état actuel du droit, plus la protection est importante, plus le comportement justifiant l'expulsion doit être grave.

Si l'étranger est sous le coup d'une protection relative, l'expulsion ne peut être acceptée qu'au nom d'une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou pour la sécurité publique. D'autres catégories d'étrangers font l'objet d'une protection « quasi absolue » : dans ce cas, l'expulsion ne peut être justifiée que pour des motifs relatifs à l'atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, au terrorisme ou à la provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination. C'est dans ce cadre qu'a été prise la décision contre l'imam Iquioussen, cet été, compte tenu des propos antisémites et contraires à l'égalité entre les femmes et les hommes qu'il a proférés à de nombreuses reprises.

Les protections que vous proposez de supprimer concernent les étrangers mariés avec un conjoint français depuis plus de trois ans, les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de dix ans et les titulaires d'une rente d'accident du travail ou d'invalidité de plus de 20 %. Il me semble nécessaire de rappeler ici que ces protections peuvent être levées en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.

Ces protections n'ont aucune base constitutionnelle ou conventionnelle en soi ; elles sont la traduction par le législateur de solutions jurisprudentielles pouvant être modifiées par la loi. La décision du Conseil d'État dans l'affaire Iquioussen que je viens d'évoquer nous a notamment montré que le juge administratif procède désormais à cette analyse in concreto, en mettant en balance la défense de l'ordre public et la protection du droit à la vie privée et familiale.

Que les choses soient claires, nous pensons qu'il est temps de revoir ce régime de protection.

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