Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 9h00
Retraite de base des non-salariés agricoles — Présentation

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion :

Nous commençons cette journée de débats parlementaires par l'examen d'une proposition de loi relative au régime de retraite des non-salariés agricoles. En la matière, les attentes sont fortes et légitimes : après avoir consacré leur carrière à nourrir le pays, les agriculteurs retraités doivent pouvoir vivre dignement. C'est pourquoi j'ai inclus les retraites agricoles dans la concertation que je mène actuellement au sujet de la réforme des retraites. Outre les partenaires sociaux interprofessionnels représentatifs, et en quelque sorte classiques, j'ai souhaité associer la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) à toutes les discussions : nous avons naturellement abordé la question des vingt-cinq meilleures années, qui retient également l'attention du ministre de l'agriculture. Je suis convaincu qu'une meilleure prise en compte des spécificités des métiers agricoles est indispensable à la justice sociale de la réforme des retraites.

Aussi, avant d'entrer dans le détail de la proposition de loi que vient de présenter M. Dive, j'aimerais la replacer dans son contexte. Encore une fois, l'attention portée aux retraites agricoles ne date pas de cette législature ; réformes et suggestions se succèdent depuis vingt ans en vue d'améliorer la situation des intéressés et de revaloriser les petites pensions, démarches constamment soumises à l'impératif de concilier prise en compte des spécificités agricoles et convergence des régimes. Nous avons su opérer cette conciliation il y a vingt ans, en créant la retraite complémentaire des exploitants agricoles – permettez-moi d'avoir une pensée amicale pour notre ancien collègue Germinal Peiro ; il y a bientôt dix ans, en instaurant la garantie d'une pension minimale pour les chefs d'exploitation agricole, dans le cadre de la réforme conduite par Marisol Touraine ; enfin, dernièrement, par les deux lois dues au président Chassaigne, qui ont revalorisé de manière inédite les pensions des chefs d'exploitation et de leur conjoint, c'est-à-dire la plupart du temps de leur épouse.

Ces avancées nous ont enseigné que le consensus ne se décrète pas : il se construit. Beaucoup d'entre vous siégeaient déjà sur ces bancs lors de l'examen des futures lois Chassaigne : celles-ci avaient été longuement mûries dès 2016, faisant l'objet d'une concertation avec l'ensemble des syndicats agricoles, discutées avec les représentants des retraités – je pense à l'Association nationale de retraités agricoles de France (Anraf) –, élaborées avec les opérateurs, en premier lieu le réseau de la MSA et les services de l'État. Pas à pas, collectivement, nous avons su préparer et financer ces dispositions finalement soutenues par tous les groupes parlementaires, la majorité, le Gouvernement, et qui ont produit des effets concrets : plus de 330 000 anciens agriculteurs, soit 30 % des retraités de droit direct du régime, ont vu leur pension augmenter de manière significative – en moyenne d'une centaine d'euros par mois.

Cela signifie-t-il pour autant que nous touchons au but ? Je sais que vous ne le croyez pas ; moi non plus. Additionnant les strates de pension et multipliant les paramètres, le régime de retraite des non-salariés agricoles est devenu extrêmement complexe, comme l'a clairement rappelé Nicolas Turquois lors de l'examen du texte en commission. Cette sédimentation nuit à la lisibilité du système, donc à la confiance qu'il inspire, en particulier aux jeunes agriculteurs ; quelle que soit notre appartenance politique, nous le constatons dans notre circonscription.

C'est dans ce contexte, monsieur le rapporteur, qu'intervient l'examen de votre proposition de loi visant à étendre aux agriculteurs le principe des vingt-cinq meilleures années. Celui-ci est en apparence consensuel : nous souscrivons à votre logique de justice, à votre souhait de rapprocher les régimes, dans un esprit d'égalité et d'équité. Les débats en commission des affaires sociales, sous la présidence de Fadila Khattabi, ont toutefois permis de soulever un certain nombre de questions : comment instaurer la règle des vingt-cinq meilleures années tout en préservant un système devenu, depuis les lois Chassaigne, très redistributif, ainsi que les droits à pension déjà acquis ? Comment appliquer un mode de calcul par années à un régime à points, combinaison qui n'existe encore nulle part ? Comment financer cette transformation, avec quelles conséquences pour nos agriculteurs ?

La date de l'entrée en vigueur de la réforme a également suscité de nombreux débats : je me réjouis que les échanges techniques, les indications de la MSA, aient été pris en compte, puisqu'un amendement du rapporteur vise désormais à fixer cette échéance à 2026 et non plus à 2024. Même ainsi prolongé au point que son terme peut sembler lointain, un tel délai reste très ambitieux : il faudra une mobilisation collective pour avancer de manière concrète et efficace.

Cette proposition de loi a donc soulevé de nombreuses questions, auxquelles je souhaite désormais que nous puissions apporter des réponses. C'est le sens de l'amendement que le rapporteur soumet à la discussion aujourd'hui, et que le Gouvernement soutient : sa nouvelle rédaction résoudra, j'en suis sûr, les interrogations légitimes qui ont été exprimées par les députés de la majorité en commission – je pense notamment à Didier Le Gac et Charlotte Parmentier-Lecocq. Le rapport et la mission qui verront le jour si cette proposition de loi est adoptée par votre assemblée puis par le Sénat devront définir, dans un délai très ambitieux de trois mois, les scénarios permettant d'atteindre l'objectif de transformation. Nous devrons veiller collectivement à ne pas remettre en cause les droits acquis et à ne pas fragiliser les carrières linéaires qui ne bénéficieraient pas de cette mesure.

Au moment d'engager les débats, je souhaite donc poser, avec le rapporteur comme avec les différents groupes, les bases d'un consensus le plus large possible. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement considère que l'adoption de l'amendement déposé par le rapporteur permettrait l'adoption de la proposition de loi ainsi amendée.

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