Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mercredi 28 octobre 2020 à 15h00
Accélération et simplification de l'action publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Le caractère particulièrement hétéroclite des mesures que contient ce texte le rend, comme cela a été déjà dit, difficilement intelligible. Il pose, au surplus, la question de la constitutionnalité d'un grand nombre de mesures proposées, tant la horde de cavaliers législatifs est imposante.

S'il s'agit d'une simplification, ce pour quoi nous sommes tous d'accord, c'est au fil de l'eau qu'il faut la faire, et d'abord au coeur des administrations. Le Gouvernement a largement contribué à la frénésie inflationniste en ne déposant pas moins d'une quarantaine d'amendements portant article additionnel, depuis la première lecture au Sénat, pour un texte qui comptait au départ cinquante articles.

Nous ne remettons pas en cause la possibilité pour le Gouvernement de proposer des articles additionnels, mais le fait qu'il produise quasiment un texte bis en s'extrayant par ce biais des obligations que lui fait l'article 39 de la Constitution en termes d'étude d'impact et d'avis du conseil d'État nous pose problème. C'est d'autant plus problématique lorsque le Gouvernement propose de créer un tout nouveau régime exceptionnel de commande publique, sans aucune étude d'impact, à la faveur d'une argumentation des plus sommaire. En matière de marchés publics, nous craignons fortement que les desserrements opérés sur les règles de seuils de publicité n'ouvrent la porte à une recrudescence de la corruption, tant sera grande la liberté donnée aux acheteurs publics.

Plus encore que le respect des procédures et la méthode du Gouvernement, c'est bien le fond de nombreuses dispositions du texte qui nous inquiète vivement. Comme je l'ai évoqué, nous ne disposons d'aucun élément permettant d'apprécier les conséquences de l'article 44 quinquies, qui prévoit de nombreuses dispositions dérogatoires en matière de passation des marchés publics, ou sur le nouveau dispositif pérenne relatif aux circonstances exceptionnelles. Nous craignons l'effet cumulatif des dispositions prévues dans ce projet de loi en matière d'environnement et d'urbanisme. Nous ne comprenons pas que, quelques mois après la remise du rapport sur la catastrophe de l'usine Lubrizol, votre première action législative consiste à alléger les procédures et réglementations relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement.

Prenons ces mesures dans le détail. La possibilité donnée aux préfets d'autoriser le commencement de certains travaux avant la fin des évaluations environnementales n'est pas acceptable. Vous vous rangez derrière le fait que de tels travaux seraient réalisés aux frais et risques des porteurs de projets, et que cela ne préjuge évidemment pas les autorisations d'exploitation. Cependant, vous oubliez que ce qui peut porter une atteinte irréversible à l'environnement peut être, par exemple, tout simplement la route desservant l'implantation. Pire : une pression s'exercera dès lors sur le préfet, dont on connaît la propension à ne pas faire de vagues. Les incidences environnementales seront de plus en plus difficiles à évaluer, alors que l'article 23 rend possible ce saucissonnage des études environnementales. Outre que cet article est contraire au droit de l'Union européenne, chacun conçoit bien qu'on ne peut véritablement mesurer l'impact environnemental d'un projet ou d'un site qu'en intégrant l'ensemble des impacts et externalités.

Nous pourrions compter sur nos concitoyens pour jouer un rôle de lanceurs d'alerte sur ces questions, mais vous avez également décidé de restreindre ce rôle, en simplifiant les procédures de concertation du public dans plusieurs domaines ou en les limitant à une consultation numérique : les citoyens se demanderont ce qu'ils font là, et c'est certainement l'objectif visé. Ils considéreront que tout est joué et se détourneront de la procédure. Vous réduisez ainsi, à l'article 24 bis, de quatre à deux mois le délai durant lequel le droit d'initiative peut être exercé en l'absence de concertation préalable.

Nous avons défendu en vain plusieurs amendements de suppression de ces articles qui, sous couvert de simplification, engagent un recul environnemental et démocratique que nous ne pouvons cautionner. N'oublions pas, madame la ministre, madame la ministre déléguée, de faire la pédagogie de la complexité. Les citoyens sont capables de comprendre les exigences qui entourent un projet. Certains amendements ont été adoptés contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, ce qui témoigne d'un malaise au sein même de la majorité. D'autres n'ont été rejetés qu'à une poignée de voix près.

Bien sûr, tout n'est pas à jeter dans votre projet de loi. De nombreuses propositions de simplification vont, comme cela a été dit, dans le bon sens et nous y souscrivons, les unes actant la caducité de certaines instances, d'autres étant issues du rapport rendu au Premier ministre par notre rapporteur.

Cependant, madame la ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, vous aurez compris qu'un trop grand nombre de dispositions sont défavorables sur les plans démocratique et environnemental. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc, vraiment à regret, contre ce projet de loi et nous saisirons par ailleurs le Conseil constitutionnel afin que les dispositions qui nous paraissent inconstitutionnelles de par leur nature ou leur procédure d'adoption soient retirées de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.