Intervention de Élodie Jacquier-Laforge

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Pour la troisième année consécutive, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en hausse. Ce budget prolonge l'élan impulsé par le plan pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires de l'été 2017, et par la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie que nous avons votée le 10 septembre 2018.

J'ai choisi, cette année, de consacrer mon avis budgétaire à la situation des étrangers sans titre de séjour sur notre territoire. J'estime en effet qu'une meilleure connaissance de cette situation doit nous permettre de lutter de manière plus circonstanciée, et donc plus efficace, contre l'immigration irrégulière, tout en permettant l'admission des personnes durablement intégrées dans notre pays. Comme vous le savez, nombre de ces hommes et femmes travaillent et payent des impôts et des cotisations sociales.

J'ai tout d'abord souhaité mettre en évidence les voies de l'immigration illégale en France. Le franchissement de la frontière s'opère le plus souvent de manière régulière, au moyen des 3,6 millions de visas que la France accorde chaque année. Certaines nationalités en sont exemptées, sans pour autant être dispensées des justificatifs exigés pour tout séjour en France. Il existe cependant des points de crispation aux frontières intérieures, où, depuis le 13 novembre 2015, la France a rétabli des contrôles, en application du règlement Schengen. En 2018, 71 179 mesures de non-admission sur le territoire ont été prononcées.

Le maintien sans titre sur le territoire procède le plus souvent d'un prolongement de séjour après l'expiration d'un visa ou d'un titre. Grâce au futur système de contrôle des entrées et des sorties des frontières extérieures de l'Union européenne, dit système EES – entry-exit system – les États Schengen pourront – à partir de 2022, seulement – s'assurer que le détenteur d'un visa a bien regagné son pays d'origine dans le délai prévu.

Comme cela a souvent été dit, une proportion croissante des étrangers en situation irrégulière dans notre pays est constituée des déboutés de l'asile, soit environ deux tiers des demandeurs. Certains d'entre eux, qui proviennent notamment de pays d'origine sûrs – dont les ressortissants représentent 23 % des demandes – , utilisent cette procédure comme une stratégie détournée de maintien dans le territoire.

L'anticipation des flux migratoires étant difficile, nombre de nos dispositifs sont saturés. Ainsi que je l'indique dans mon rapport, la procédure d'asile est aujourd'hui menacée, alors qu'elle devrait être sanctuarisée ; l'hébergement des personnes migrantes est saturé malgré une augmentation inédite du nombre de places ; les conditions de rétention se dégradent, notamment du point de vue sanitaire, avec une recrudescence des cas de tuberculose.

J'ai donc souhaité mettre en avant deux outils qui doivent nous permettre de définir une politique migratoire plus adaptée, et surtout plus ambitieuse. L'admission exceptionnelle au séjour, introduite par la loi Sarkozy de 2006 et harmonisée par la circulaire Valls de 2012, permet de traiter au fil de l'eau les demandes de régularisation. Je souhaite notamment saluer la montée en puissance de la régularisation par le travail dans ce dispositif : depuis 2013, 192 057 admissions ont été prononcées. Cet outil s'avère cependant insuffisant et hypocrite, puisqu'il exige des personnes étrangères de fournir des preuves légales d'une présence irrégulière, qu'elles ne devraient pas posséder : fiches de paie, déclarations d'impôt, voire obligations de quitter le territoire français – OQTF.

Surtout, face à l'essor du travail clandestin dans de nombreux secteurs sous tension, il est temps d'organiser une politique migratoire économique ambitieuse – et je salue les annonces faites par le Gouvernement en ce sens.

Les principaux secteurs concernés par le travail illégal sont le BTP et l'hôtellerie-restauration. Or les emplois en question ne figurent pas dans l'arrêté de 2008 qui fixe la liste des métiers dits en tension et pour lesquels la délivrance d'une autorisation de travail est permise, sans opposition de la situation d'emploi. Davantage encore qu'en matière de migration familiale ou d'asile, nous disposons d'importantes marges de manoeuvre pour inscrire cette question au coeur de notre projet migratoire. Nous avons contribué à la montée en puissance du « passeport talent », qui s'adresse à la migration très qualifiée. Son succès doit nous inciter à aller plus loin et à fixer un cadre lisible et performant pour une politique migratoire économique assumée.

J'appelle le Gouvernement à réfléchir aux modalités de fixation d'objectifs chiffrés – comme dans de nombreuses démocraties, tels le Canada ou la Suède – , au regard desquels le Parlement devra jouer un rôle central, pourquoi pas lors d'un débat qui serait suivi d'un vote.

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