Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Lutte contre la banalisation des discours de haine dans le débat public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Dernièrement, à Arras, ce sont des militants d'extrême droite qui ont déployé, devant la façade de la section locale de mon parti, une banderole reprenant le sigle d'un groupe terroriste auteur de multiples attentats dans le monde. L'un de ces délinquants portait un tee-shirt orné d'une tête de mort de la Waffen-SS, l'unité spéciale chargée de la gestion des camps de concentration.

Ce genre d'épisode, misérable, est loin d'être isolé, et mon parti a d'ailleurs subi pas moins de vingt-neuf dégradations similaires en deux ans. Chaque fois, ces événements suscitent l'indignation générale des citoyens, des associations, d'anciens combattants et de déportés, des élus de tous bords, de gauche et de droite, tous rassemblés pour refuser cette idéologie, comme nous le fûmes, dans la Résistance et pour la libération du pays.

Pourtant, les propos racistes et antisémites perdurent dans le débat public, la parole et les actes semblent libérés. Ainsi, le 23 novembre dernier, treize hommes fichés S, membres du groupe d'extrême droite « Recolonisation France », ont été arrêtés par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH) : sur les réseaux sociaux, ce groupe appelait à former des unités armées, dans la perspective d'une guerre civile causée par l'immigration.

Ce climat, je le répète avec force, est une menace pour notre démocratie. C'est pourquoi nous devons non seulement être extrêmement vigilants sur les propos tenus dans l'espace public, mais aussi d'une fermeté totale à l'égard de ceux qui transgressent nos lois.

Dans cette bataille, les élus se doivent d'être en première ligne, irréprochables, exemplaires. C'est d'ailleurs pourquoi, au fil des récentes affaires qui ont traversé notre vie politique et sur lesquelles je ne reviens pas, des peines complémentaires d'inéligibilité se sont imposées dans la loi. Elles sont notamment prévues dans les cas de manquement au devoir de probité, dans les cas de corruption, de trafic d'influence, de fraude fiscale ou électorale.

Des élus, des responsables politiques nationaux, des ministres ont été sanctionnés, et c'est tant mieux. La justice a fait son travail en prononçant des peines d'inéligibilité. Qui accepterait qu'un responsable politique condamné pour détournement de fonds puisse se présenter aux élections ?

La même sanction complémentaire d'inéligibilité existe aussi pour les délits d'injure ou de violence à caractère raciste, antisémite ou homophobe, d'apologie du terrorisme, de négationniste ou de participation à des associations dissoutes.

Au début de cette législature, le Parlement s'était emparé de cette question en adoptant un amendement au projet de loi pour la confiance de la vie politique, qui visait à rendre cette sanction automatique. C'était une courageuse initiative, mais le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition, en raison, précisément, du caractère automatique de la peine.

La proposition de résolution que nous vous soumettons évite cet écueil. Elle ne prétend pas créer de nouvelles dispositions mais entend tout simplement rappeler la loi, toute la loi, rien que la loi ! En effet, la loi du 29 juillet 1881, modifiée par la loi Gayssot du 13 juillet 1990, prévoit déjà, dans son article 24, de sanctionner d'une peine complémentaire d'inéligibilité les auteurs d'infractions racistes ou discriminatoires.

Par cette résolution, nous vous proposons d'envoyer un message fort, unanime, républicain, afin de garantir un débat public sans propos xénophobes. Entendons-nous : il ne s'agit pas, comme j'ai pu l'entendre, de brider la liberté d'expression, mais au contraire de la protéger contre ceux qui la pervertissent.

Il ne s'agit pas non plus d'interdire à qui que ce soit de se présenter à l'élection présidentielle. Ce n'est pas notre rôle. Il y a des règles, notamment liées à la présentation de 500 parrainages, et c'est au Conseil constitutionnel de vérifier si toutes les conditions sont remplies.

Concernant l'inéligibilité, ce sont les juges qui décident, ou pas, de prononcer cette peine, y compris dans les procès à venir, quel que soit d'ailleurs votre vote sur cette résolution.

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